Olivier 29 Oct 2011 En vol...11 commentaires

Les vacances de la Toussaint sont généralement synonymes de pluie dans le sud-est. Ailleurs aussi, semble-t-il. Las, le Supercross de Bercy tombait pour une fois dans les vacances scolaires. Et comme je tenais à y monter pour raisons professionnelles (et passionnelles, avouons-le), il y avait 4 solutions : Train, avion de ligne, voiture ou Piper.

Quelle solution pour traverser rapidement la France ?

En train, pas simple, pas donné (en s’y prenant au dernier moment) et plutôt long en comptant le trajet supplémentaire gare de Lyon vers le 78, notre lieu d’hébergement. En avion de ligne, même sur les low-cost, la date de départ décidée au dernier moment faisait monter l’addition. En voiture, même avec une bonne caisse, ça prend au minimum 8 h et plus raisonnablement 9, compte tenu des bambins assis derrière. Restait le Piper. Côté tarif, c’est 50% moins cher que l’avion de ligne (à quatre). Et c’est aussi rapide, vu qu’il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à Nice, de poireauter à l’enregistrement, puis à l’embarquement, puis au retrait des bagages à l’arrivée, et qu’on s’épargne le trajet Orly – hébergement dans le 78.

La météo de la fin de semaine étant raisonnablement médiocre, décision fut prise d’y aller en Piper.

Le vol aller : une promenade…

Jeudi, arrivée à Cannes sous la pluie, pré-vol sous la pluie, décollage sous la pluie. Chouette ! Sortie SW par la mer, puis montée en plaine de Fréjus, percée entre deux cumulus et… soleil !

15 min après décollage de Cannes, nous volons à 10 500 pieds, tranquilles...

Le Piper turbo monte tranquillement à 10500 pieds. le reste de la nav’ consiste en une longue ligne droite, 4-5 changements de fréquence radio, et une descente au dernier moment sur Toussus. Les enfants lisent, écoutent de la musique, jettent un oeil au paysage, jouent à reconstituer l’itinéraire avec la carte… Pas de péage, pas de radar, c’est presque trop facile à cette altitude ! D’autant que, contrairement à l’été, nous n’avons pas de turbulences en redescendant. Du voyage 5 étoiles, à la limite du virtuel…

Un peu de coton pour donner du relief, le paysage est splendide, même si en bas ça doit faire un temps maussade.

Saint-Etienne survolée à L'aller au FL105. A cette altitude, les nuages ne gênent pas...

Arrivée sous un ciel couvert, vent calme, l’avion se pose en douceur. 2h40 de porte à porte (notre hébergement est à 10 min) en voiture, c’est pas si mal !

Paris, ville lumière

Le vendredi soir, Bercy, magique, comme chaque année depuis 29 ans… Pour ma deuxième visite dans le chaudron parisien, à 20 ans d’intervalle, je n’ai pas été déçu, même si le spectacle était plus dans les yeux brillants de mes gamins !

Bercy mérite bien une p'tite traversée de la France... A condition de la faire en Piper !

Le vol retour : préparation

Samedi matin, on se lève un peu tard. Repas, retour à Toussus. La météo est exécrable. Plafond bouché partout, ce qui nous empêchera probablement de monter au-dessus des nuages ! En effet en cas de vol en VFR, ou vol à vue, nous n’avons pas le droit d’entrer dans la couche pour la traverser. Le vol aux instruments sans visibilité nécessite un gros entraînement et une qualification spéciale, dite IFR. L’étude des conditions météo sur les aérodromes indique des ouvertures à partir de Dijon. Plutôt que d’annuler le vol, je modifie donc l’itinéraire pour partir plus vers l’est, trouver une trouée et monter au-dessus de la couche. En cas de problème, cet itinéraire suit la vallée du Rhône, ce qui permet le vol à basse altitude vue l’absence de reliefs sur la trajectoire. Si à l’inverse je gardais la route suivie à l’aller, cela me conduirait à entrer dans les zones de faible visibilité au milieu des reliefs du Massif Central. Situation de peu d’avenir !

Décollage et adaptation du programme

Décollage piste 25, avion chargé à bloc. Le runway est en montée, on « efface » les 3/4 du bitume (mais je n’étais pas à fond). Décollage, cap sur le VOR de Rambouillet puis Etampes, Auxerre, Dijon.

Le plafond est bas, nous volons à 2400 pieds, juste sous la couche. Ciel uniformément gris. Dijon, où nous attendions une éclaircie, est protégé par des remparts de pluie et de brume. Je descends pour éviter les bancs de coton blanchâtre, je fais de grands détours pour éviter les averses… Dijon enfin, sans visibilité et des collines partout. Un trou de souris entre deux nuages à droite, on passe en descendant un peu… Les nuages se referment derrière nous. Devant, ce n’est guère brillant. Un autre passage, avec un rayon de soleil. Là encore, ça passe, mais sans offrir de solution pour la suite.

De tous côtés, un horizon bouché. Il faut trouver un passage ou se poser sur un aérodrome de déroutement...

Nous suivons la vallée. vers Lyon, le plafond est remonté, nous sommes maintenant au FL 55 (pas loin de 5 800 pieds). Le moteur 6 cylindres ronronne comme un gros chat, nous changeons de réservoir toutes les demi-heures. A part ça, il n’y a rien à faire.

Lyon était censé être au soleil mais la grisaille est au rendez-vous... C'est Overcast, on ne passera pas la couche aujourd'hui !

On fait des calculs pour savoir si nous arriverons avant la nuit. Le vent de face nous freine, nous ne volons qu’à 250 km/h… Un copain journaliste m’ayant récemment passé des numéros Hors-Série du Fana de l’aviation, je ne peux m’empêcher de penser aux pilotes de toutes nationalités qui combattaient en France, en Angleterre ou en Russie, sans GPS, avec des météos parfois bien pires… L’ambiance y est, c’est gris et vaguement hostile sur les reliefs, mais sans la DCA et avec une arme secrète, l’iPad ;-) Avec le GPS intégré et la carte affichée en permanence, ma copilote sait en effet toujours où nous nous trouvons. De mon côté, je navigue à l’ancienne avec les moyens de radio-navigation (recoupement de caps de balises sur la carte) et parfois avec des estimées. Mais j’ai beau faire le malin, j’ai toujours confirmation de mon résultat via le GPS du bord et surtout via la petite tablette magique, ce qui change tout !

C'est beau mais vaguement angoissant aussi... On dirait ces vieux films en N&B avec des aviateurs de légende franchissant les Andes. Bon, pour nous, c'est plus cool, je vous rassure...

J’opte pour l’option du raccourci. Après Lyon, inutile d’aller sur Valence et Montélimar, nous coupons sur les reliefs les plus dégagés, directement vers Vinon. Paysage magnifique, et la couche de nuages qui, enfin, se lézarde. C’est bien trop tard pour monter au dessus de la couche, nous nous contentons d’admirer. Le ciel bleu entrevu nous encourage, la nuit n’est pas encore là !

Si nous avions eu ce ciel-là plus tôt, nous aurions pu monter et tirer tout droit...

Le Lac de Sainte-Croix défile sous les ailes, nous voici en terrain connu. Légère descente pour accélérer, 160 kts désormais (290 km/h), léger virage pour éviter Canjuers, puis directe sur WL et Cannes.

Arrivée au coucher du soleil

Passage verticale tour 1500 pieds, vent arrière, je prépare l’avion : Train sorti, 3 vertes, volets… Le contrôleur me fait élargir le circuit pour faire atterrir un IFR un peu pressé, j’ai même droit à un 360° d’attente. C’est enfin à nous, finale, atterrissage tranquille… Nous roulons sur les parkings déserts, G20 oblige, et nous descendons de notre brave avion, récompensés par un coucher de soleil plutôt sympathique. Nous aurons fait de gros détours, et le temps de vol a été allongé d’autant plus que le vent n’était pas favorable : 3h35, ce qui reste honorable vu les conditions. Au passage, je signe ma 160e heure de vol…

Le trajet aller, en jaune : Ligne droite au-desus des nuages. Le retour, en rouge, plus long compte-tenu de la route différente, des orages et des reliefs à éviter...

Le trajet à haute altitude est paisible, comme en témoigne le profil du vol...

Au retour par contre, impossible de traverser la couche, il faut subir les plafonds et voler bas... Au moins, on a quelque chose à faire ;-)

Un vol très enrichissant

Au final, nous retiendrons que le vol est bien moins fatiguant que le trajet autoroutier, ce que nous avions déjà constaté et validé cet été. Mais nous retiendrons aussi que, comme d’habitude en matière de météo, mieux vaut être pessimiste qu’optimiste. Non pas pour annuler les vols à la moindre apparition de nuages, mais pour prévoir des itinéraires adaptés et des plans B. Ce que nous avons su faire, puisque nous ne nous sommes jamais mis dans des situations dangereuses ou de type « quitte ou double ». L’avion léger en voyage reste un moyen pratique, rapide, mais également très aléatoire, pour se rendre d’un point A à un point B. Mais quelle satisfaction lorsqu’on arrive, après avoir vécu une mini-aventure comme celle-ci, lointain écho des traversées des anciens aviateurs… Qui a dit que le XXIe siècle était aseptisé ?

Mission accomplie pour notre vaillant PA-28 et son vaillant petit équipage !

11 commentaires sur “Navigations automnales”

    Iva
    octobre 30th, 2011 at 6:56

    Bravo !
    Encore un bel article, des belles photos, de l’aventure.
    Vivement le prochain,
    Biz à vous et bonne continuation.

    BarbaCédre
    octobre 30th, 2011 at 7:41

    super aventure!!! C est un sacré entrainement pour toi en tant que pilote …vivement que tu passes l IFR pour etre plus tranquile…
    Y a des photos de Bercy histoire de voir un peu le show??

    kakos1er
    octobre 30th, 2011 at 9:43

    Tes récits sont décidément passionnants, je m’aperçois petit à petit qu’on te lit comme un livre d’aventures qu’on dévorerait le soir dans le lit avant de s’endormir. Aventures pimentées, ( je serais assez paniqué à l’idée de devoir trouver comme ça un endroit pour se poser à cause du temps, aucune solution ni devant ni derrière) .
    C’est vrai qu’on ne peut s’empêcher de penser aux pilotes de chasse de la dernière guerre, en plus de tous ces pb de météo, il pouvaient se faire descendre à tout moment. Et puis bon nombre d’entre eux n’avaient pas ton nombre d’heures de vol, certains étaient lâché après seulement 10h. Et sur des coucous bien plus délicats et dangereux que le piper.
    Donc nous voilà des extrait de livres d’aviations, sauf que là c’est un pote qui en est le héros, alors c’est bien beau tout ça, ça forme bien l’expérience, mais bon, si un jour tu peux avoir un avion avec un parachute…. ;-))))

    Pier
    octobre 30th, 2011 at 9:44

    Belle expérience de vol, en tout cas, même s’il y a eu inévitablement quelques serrages de fesses dans le cockpit durant le trajet retour…
    ;-))

    Chapeau aussi pour cet exposé journalistique très réussi !

    Olivier
    octobre 30th, 2011 at 10:22

    Ben en fait, même pas peur ! Non qu’on soit inconscients, mais comme on ne fait que ce qui est sécurisé, sans jamais s’engager de manière inconsidérée, on ne ressent pas d’appréhension. Le sentiment qui domine c’est plus la frustration lorsque ça ne se dégage pas et que tu dois changer de route ou envisager un plan B… Bref, si tu restes lucide, c’est de l’aventure au bon sens du terme…

    Olivier
    octobre 30th, 2011 at 10:28

    Concernant la formation des pilotes, j’ai longtemps cru la même chose. Mais après étude du problème, je t’assure que cela ne se passait jamais ainsi, même au plus fort du conflit, aussi bien chez les Anglais que chez les Allemands. Les pilotes étaient formés pendant 6 à 8 mois sur des avions de puissance et de complexité croissante. ils apprenaient les bases, puis le poser en train classique, puis la voltige, la navigation, le vol aux instrument,s les règles de combat aérien, le vol en formation… Une fois validé pilotes de chasse, ils découvraient leur monture finale et s’élançaient au combat avec parfois seulement 10h… sur type ! Mais ils étaient déjà des pilotes chevronnés, bien plus polyvalents que la plupart des pilotes privés – voire pros – d’aujourd’hui ! Bon, les contraintes règlementaires n’étaient pas les mêmes, mais les aides non plus, sans parler du caractère capricieux des zincs d’alors ! De toutes façons, un gars aussi doué soit-il ne pourrait même pas faire décoller et atterrir son Spitfire avec 10 h de vol dans les pattes, sans parler de faire de la voltige, du vol en formation, du vol aux instruments. Cela serait tout simplement impossible, même au plus doué des pilotes…

    claire héliot
    octobre 30th, 2011 at 11:12

    Le reportage est déjà réalisé !
    Bravo !

    marc
    novembre 2nd, 2011 at 10:11

    Oui tu as raison sur la formation….C’est logique, je me vois déjà pas trop faire décoller un cessa après 10h, bien que ce soit possible, mais alors un spitfire !!!! ;-))

    Olive
    novembre 2nd, 2011 at 10:20

    Si tu veux avoir une idée des sensations du vol sur Spitfire, tu peux lire l’excellent bouquin de Neil Williams « j’ai eu 9 vies ». Au premier chapitre, il raconte son premier vol sur Spit. Trop bon, on s’y croirait !

    Gege et François
    novembre 2nd, 2011 at 11:04

    Magnifique ! Passionnant ! Un simple trajet devient une aventure (comme souvent en mer ). Pour une fois, on est contents d’être loin et de n’apprendre toutes ces péripéties qu’une fois qu’elles sont terminées !
    Bravo au pilote et au co-pilote !
    Mais soyez prudents !!
    Bisous.

    Vince
    novembre 3rd, 2011 at 11:10

    J’adore !!!!

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