Olivier 10 Juin 2012 En vol...4 commentaires

Le Cirrus est le seul avion de voyage 4 places moderne disponible sur le marché actuellement. Tous les autres, même vendus neufs, sont de conception plus ancienne. En métal riveté, avec souvent des portes uniques et des commandes lourdes, ils ne peuvent renier leurs origines, situées pour la plupart dans les années 50-60.

Un avion moderne

A l’inverse, le Cirrus, apparu dans les années 2000, est un avion en composite, faisant appel à nombre de nouveautés. La plus marquante serait pour les pilotes la disparition du traditionnel manche, remplacé par une mini manette manipulée d’une seule main. Mais Cirrus a innové  en étant également le premier à proposer une avionique full Glass Cockpit sur ses monomoteurs. Plus moderne que celle d’un Airbus, cette console, avec ses écrans géants et ses dizaines de boutons, a de quoi impressionner. Enfin, les ingénieurs ont réussi à implanter un parachute de cellule sur l’avion, ce qui signifie qu’il peut descendre sous parachute et se poser « tout seul » en cas de défaillance du pilote. le train d’atterrissage, fixe, sert alors d’amortisseur, encaissant 4 G, les sièges munis d’airbags dans les ceintures pouvant eux encaisser 26 G.

Un avion moderne et doté d'un parachute, voilà qui fait réfléchir lorsqu'on vole en famille...

Toutes ces innovations ont déstabilisé les « anciens » pilotes, habitués à leurs vieux engins, moins rapides et plus traditionnels dans leur approche. Du coup, j’ai souvent entendu des critiques assez dures envers cet avion. Je vous passe les pires, mais on entend souvent « un avion pointu et difficile à piloter », un « parachute pour masquer le fait qu’il ne puisse pas sortir de vrille », et enfin une « maintenance hors de prix ».

Pour en avoir le cœur net, nous sommes, Caroline et moi, allés prendre contact avec Aerolithe, l’importateur Cirrus en France, qui dispose de bureaux à Cannes.

Coup de chance, l'importateur Cirrus a des bureaux à Cannes...

Nous avons été reçus par la fille de l’importateur, Charlotte Bellec. Pilote IFR et démonstratrice patiente, elle prendra près d’une heure pour répondre à toutes nos questions, agenouillée sur l’aile tandis que nous l’écoutons religieusement, bien confortablement installés dans les fauteuils en cuir du cockipt.

Un essai en vol, une occasion en or !

Lors du Salon de Cannes, deux mois plus tard, nous reprenons contact. Après une passionnante discussion avec Yvon Bellec, le père de Charlotte, ex pilote de ligne et fondateur de l’entreprise, la possibilité d’un essai en vol est évoquée pour le dimanche suivant. Las, le mistral se met à souffler dans la nuit et vers le milieu de la matinée, il y a encore 24 noeuds SSO en pointe à Cannes. Pas l’idéal pour un essai. Mais Charlotte nous rappelle et nous propose un vol à 14h30.

Sur l’autoroute, j’explique à Caroline que je n’attends pas trop de cet essai, et que j’ai même plutôt peur d’être déçu. Une avionique complexe, sur un avion conçu pour voler en ligne droite, ça risque de ne pas avoir le charme de notre Piper Arrow IV turbo…Pourtant, les articles lus ici et là sont tous enthousiastes… Bref, nous sommes dans l’expectative la plus totale !

L’aéroport est encore un peu chamboulée par les installations du salon. Nous rejoignons Yvon. Toujours souriant et disponible, celui-ci nous accompagne à l’avion. Il s’agit d’un Cirrus SR22 G3 GTS. En clair, SR22 signifie qu’il dispose d’un gros moteur 6 cylindre, identique à celui du Piper, mais poussé à 315 chevaux contre seulement 200 sur le Arrow. G3 indique qu’il s’agit de la 3ème génération d’avion, avec du coup un nombre considérable d’améliorations par rapport aux premiers modèles. Enfin, GTX indique le niveau de finition « toutes options »… Bref, nous sommes avec un top pilote à bord d’une formule 1 équipée comme une Bentley…

Un Cirrus SR22 G3 GTS, le nec plus ultra de l'avion légère...

Roulage facile

Yvon nous montre rapidement quelques procédures sur les écrans puis met en route. Le bruit du moteur reste très feutré et nous pouvons tenir une conversation sans élever la voix. Bluffant ! Il n’y a aucune vibration. Nous enfilons les casques bose, dotés de la technologie ANR (Active Noise Réduction) qui fait littéralement disparaître le bruit du moteur. Même hors de prix, ces casques méritent leur réputation ! Le temps que le moteur chauffe, un mini plan de vol est entré sur le GPS Garmin 430 : SW puis DR, les points d’entrée et sortie de la CTR de Cannes. Nous roulons sur le taxiway. La visibilité vers l’avant est excellente, identique voire meilleure que dans une voiture. Au point d’arrêt, essais moteur. RAS. La check-list, affichée sur le second écran, se déroule sans problème. C’est clair, net, efficace, un régal. Vient le moment du décollage. Le vent est annoncé de travers pour 14 kts. Je suis chaleureusement invité à prendre le manche et à réaliser le décollage. Petit moment d’hésitation… Après tout, pourquoi pas ? Le roulage et l’alignement ne posent aucun problème, l’avion se manie avec précision et sans effort au palonnier.

Un tableau de bord moderne avec des écrans géants et des mini-manches...

 

Les paramètres moteur s'affichent sur l'écran de droite...

La check-list s'affiche dans l'ordre sur l'écran. Trop facile...

Décollage sans histoire

Procédure de décollage bien plus simple que sur le Arrow : On met gaz à fond, on contre un peu au pied droit, et basta. Yvon m’ayant bien signifié de botter à droite dès le départ, je m’exécute, mais j’en fais trop. Il aurait suffit de contrer légèrement et progressivement, comme sur le Piper. L’axe de piste est récupéré, seulement 70 kts et l’on peut tenter d’arracher les roues. Je tire en arrière le mini-manche, le SR22 décolle sans effort. 10° de taux de pente, je bouge ma main droite avec précaution pour gérer le plan de montée et la tenue d’axe, l’oeil rivé sur l’horizon artificiel géant de l’écran Avydyne. Je pense à vérifier si nous avons passé 300 pieds au niveau de la plage. Pas de souci, nous sommes déjà proches des 600 pieds ! Yvon rigole, met le pilote automatique, avec une altitude programmée à 2000 pieds vers SW. L’avion monte, récupère le trajet prévu, tourne à droite et nous voilà déjà à Sierra-Whisky.

Roulage facile sur le taxiway. La large vue contribue au sentiment de confort...

La montée initiale est très rapide... Nous sommes à 1000 pieds bien avant le cap de l'Aiguille !

Avion de voyage ou mini chasseur ?

A 2000 pieds, vent de face, nous sommes déjà à 175 kts de vitesse au sol. Même en descente, avec le Piper, et vent dans le dos, il est rare d’atteindre cette vitesse ! La baie de Fréjus est déjà là. Nous voilà partis pour une série d’évolutions, PA coupé et puissance à 40%. Je reprends les commandes, enchaîne des virages à 30° d’inclinaison pour voir si, dans ces conditions « normales », l’avion présente les difficultés de pilotage que l’on m’a parfois mentionnées. Rien de tout cela. Non seulement l’avion est stable mais il donnerait plutôt l’impression de m’aider en ne variant pas le moins du monde son altitude. Un peu étonné sans doute de ma frilosité, Yvon décide de reprendre les commandes et de me montrer ce que son avion a dans le ventre. Une attitude qui me fait souvent craindre le pire, tant il est vrai que je me méfie des fanfarons, vite dangereux. Mais là, curieusement, je suis en confiance. Heureusement, car la démonstration sera édifiante. C’est parti pour un grand coup à gauche, inclinaison maximale proche des 90°. L’avion se stabilise, nous encaissons à peine cette impression nouvelle que nous voici revenus à l’horizontale. Le taux de roulis est impressionnant. Même type de virage avec un fort taux de montée cette fois. Ecrasés au siège, nous voyons l’horizon défiler puis l’avion revenir en vol horizontal. Un instant j’ai bien cru qu’on allait avoir droit à un looping complet !Les sensations sont magiques et cela se fait avec une précision étonnante. Questionné à ce sujet, notre commandant de bord confirme : Les commandes sont tellement bien conçues que l’avion se stabilise dès qu’on lâche le manche. Test grandeur nature, avec une série de « facettes » : l’avion est mis en virage, le pilote lâche le manche : le Cirrus cesse immédiatement la rotation et garde son inclinaison au millimètre près. C’est tellement simple que j’y arrive également.

 

Super facile et sécurisant en virage, le Cirrus est aussi performant que ludique à piloter

On se croirait dans un Alpha-Jet de la patrouille de France ! Yvon s’amuse de notre étonnement et nous montre encore mieux. Il place d’un coup l’avion en virage engagé, genre de figure qui généralement, exécutée sur un Cessna ou un Piper, fait se rapprocher le sol à vitesse grand V. Une fois l’avion sur la tranche et en virage, avec sous nos yeux rien d’autre que la mer écumante, il lâche à nouveau les commandes, croises les bras et me regarde, goguenard : « Vous voyez, il ne se passe rien ! » . En effet, l’avion ne semble plus descendre, alors même qu’il n’est plus tenu depuis au moins 4 ou 5 secondes. D’un simple geste, sans même réduire les gaz, le SR22 est remis en vol horizontal. C’est bien simple, nous avons véritablement l’impression d’être dans un avion de voltige et notre sentiment de sécurité a été décuplé. Jamais le Piper ne serait capable de prendre des virages avec une telle facilité. Pour couronner le tout, voilà notre avion sommé de faire preuve de ses capacités en vol lent. Gaz réduit, pleins volets, en configuration approche, Yvon joue avec le palonnier, mettant la bille dans les angles. Imperturbable, le Cirrus vole en crabe sans presque perdre de vitesse. Même malmené ainsi, le décrochage reste lointain et aucune lourdeur ne se fait sentir aux commandes. Quand je pense aux bras de camionneur qu’il me faut sur le Arrow…

Atterrissage tolérant

Le retour se fait sans PA. Je redescend à 1000 pieds sur Deta-Roméo. Une alerte en anglais dans le casque, que je n’écoute pas, puis le contrôleur qui nous signale un trafic en face de nous, sens opposé. Yvon me montre un point sur l’écran, avec une flèche et une chiffre. C’est notre trafic, détecté par notre TCAS (Traffic Collision Avoidance System) qui s’affiche avant même qu’on puisse le voir. L’alerte de tout à l’heure, c’était donc notre Cirrus qui nous prévenait ! Sécurité, sécurité… Nous voici en approche de la côte. Je suis informé que je pourrai faire l’atterrissage tout seul. Me voilà tout de suite moins rassuré… Passant le trait de côte, puissance réduite, volets sortis à 119 kts. Virage en base, l’avion tourne sans effort. Finale.

En base pour la 17 à Cannes. L'avion se manie sans effort, même avec les volets et du vent traversier important...

A aucun moment, malgré le vent fort, l’avion n’a bougé dans l’air turbulent. Connaissant l’aérologie particulière du coin, c’est étonnant de confort ! L’approche se fait sur les Papi, deux rouges, deux blanches, le nez dans le vent avec 20 bons degrés de déviation. Un nouvelle alarme nous prévient du passage des 500 pieds. Réduction, je suis à 78 kts au dessus du seuil. L’avion n’est pas encore assez bas, il faut pousser sur le manche. J’arrondis, mets un peu de pieds. Nous voilà un peu à côté de l’axe, je pose, la roue sous le vent touche la première, mais je n’ai presque rien senti. « Un peu dur », juge Yvon. Ah, ben alors, qu’est ce qui se passe en cas de kiss ? On arrive au hangar sans savoir qu’on s’est posé ? La tolérance de l’avion à l’atterrissage semble donc bien supérieure à celle du Piper. Avec un peu de métier, le kiss semble plus ou moins garanti !

Retour à la réalité

Roulage jusqu’à la pompe. Nous conversons, même si je n’ai qu’une envie, celle de me taire pour savourer encore le vol, les yeux fermés. Yvon nous parle de son avion avec une passion que nous partageons désormais. Car, bien plus qu’un mini Airbus bourré d’électronique, un truc volant en ligne droite et ennuyeux au possible, le Cirrus est également un avion ludique et très sécurisant à piloter à la main. Fiabilité du composite, sécurité à tous les niveaux grâce aux commandes de vol efficaces, au parachute, à la cellule résistante, aux aides à la navigation, cet avion enterre définitivement tous ses concurrents. Ceux-ci ont leur charme, bien entendu, mais ne peuvent rivaliser.

Le Cirrus ? Un avion moderne, sécurisant, très ludique, qui nous a totalement séduit...

Alors que reste-t-il à faire ? La logique n’a pas sa place dans la passion. Voler est un loisir onéreux, en temps et en argent. Mais c’est également un loisir risqué, surtout lorsqu’on vole en famille. Dans ces conditions, un avion moderne, performant, ludique et plus sécurisé que n’importe quel autre ne peut qu’être un choix raisonnable. Reste que, le monde n’étant pas parfait, toutes ces qualités se paient au prix fort. La décision d’achat est donc difficile. Mais l’essai a été si concluant que si notre aventure aéronautique continue, il y a de fortes chances que nous volions à nouveau à bord d’un Cirrus un jour ou l’autre ! En attendant, nous ne pouvons que remercier chaleureusement Charlotte et Yvon pour leur accueil, leur disponibilité… et les féliciter pour l’importation de cet avion extraordinaire en France !

 

4 commentaires sur “Essai en vol : Cirrus SR22 G3 GTS”

    Iva
    juin 10th, 2012 at 6:58

    Bravo pour l’article. J’ai l’impression d’avoir fait le vol avec vous.

    kakos1er
    juin 10th, 2012 at 8:52

    J’ai l’impression de lire le récit d’un pilote de chasse anglais qui vient de recevoir le tout dernier spitfire en remplacement de son hurricane poussif.
    Très intéressant, j’avoue que cet après midi j’ai pensé à toi car je me souvenais que tu devais faire cet essai; j’étais impatient de savoir…
    Chouette, qqchose me dit que bientôt je vais voler dans un Cirrus !! hihihi !

    BUISSON Michel
    juin 11th, 2012 at 10:29

    FELICITATIONS ! article extra permettant de juger objectivement de cet avion …… dommage que je n’ai pas 10 ans de moins , je me serai laissé séduire par un tel engin
    Je te souhaite de réaliser ce voeu le plus rapidement possible

    Avec toute mon amitié
    Michel

    Gege et François
    juin 12th, 2012 at 12:55

    On a dévoré l’article ! Passionnant et bluffant !!
    Pour l’achat d’un Cirrus, il n’est pas prévu la reprise d’un Piper ? :-)))
    A une prochaine fois, les aventuriers de l’air !!

Avion ou ULM, la passion de voler se partage !