Olivier 19 Mar 2010 En vol...6 commentaires

Aujourd’hui, je débarque à l’aéroport de Mandelieu à 8 h 50. Le vent est calme, ça semble bien parti pour mon solo… Michel m’accueille avec un sourire : « bon, on ne va pas tourner autour du pot, on fait un petit tour de piste ensemble, tu me fais ça nickel et après tu pars tout seul ! » Inutile de dire que là, j’ai un grand sourire niais sur le visage malgré toutes mes tentatives pour prendre un air sérieux et détaché…

1/ Un tour ensemble…

Yankee-Alpha nous attend sagement au parking 6. visite pré-vol, quelques saletés au fond du réservoir droit, pas grave. Niveau d’huile ok, purge du carbu, on examine l’avion qui ne semble pas avoir pris de coups pendant la nuit, et on s’installe.

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Avant de venir, j’ai révisé ma radio vu que je m’étais trouvé assez nul la fois dernière…

– « Le sol de Yankee-Alpha, bonjour… »

C’est parti, on demande à rouler pour un tour de piste. Aujourd’hui, c’est la piste 35 qui est en service. Rassurez-vous, y’a pas 35 pistes à Mandelieu, mais les pistes ont deux noms selon le sens dans lequel on les emprunte. D’ordinaire, on utilise la piste principale en direction de la mer. C’est à dire qu’on part au sud, au cap 172. D’où le 17 comme nom de piste. Aujourd’hui, piste 35 signifie qu’on prend la même piste mais décollage face aux montagnes, cap 352, presque plein nord.

Bref, roulage, radio pour la tour, je m’aligne sur la 35 pour la première fois. Décollage, virage à 500 pieds au-dessus des villas, puis on se dirige vers la mer. Le paysage, déjà survolé tant de fois, est totalement différent. Virage à la pointe de l’aiguille, on revient vers la côte. Finale face à la 35. Michel ne m’a donné aucune indication, j’ai parlé à la radio sans me tromper, tout va bien. C’est tout juste si mon instructeur me précise qu’il faut être un peu plus haut dans ce sens-là du fait des immeubles qui précèdent la piste.

Courte finale, je pose, la roue gauche un poil avant la droite, freinage, taxiway jusqu’à la station essence. On fait le plein, puis Michel prend ses affaires. Je monte seul dans le cockpit. Avant de partir, Michel prend son Canon… Un signe de la main, il a disparu…

2/ Seul à bord…

Bon, ben, comment se sent-on à cet instant ? Etonnament serein, je dirai, avec un grand « ENFIN » qui occupe toutes mes pensées pendant une minute. Le bouquin, les heures de vol en double commande, tout ne tendait que vers ce seul instant : se trouver seul aux commandes…Quand on est môme, on se dit : « un jour, je serai pilote… » Ben là, ça commence sérieusement à y ressembler…

Le tableau de bord provisoire (en bois) donne un cachet sympa à Yankee-Alpha...

Le tableau de bord provisoire (en bois) donne un cachet sympa à Yankee-Alpha...

Radio pour rouler, je démarre et avance jusqu’au point d’arrêt Alpha – Unité de la piste 17 (le sens dont j’ai l’habitude, le vent ayant eu la bonne idée de changer de direction).

Radio pour signaler que je suis prêt. Le contrôleur, amusé :

« Ok, Yankee-Alpha, mais passez sur la fréquence de la tour ! »

Oups, je suis resté sur la fréquence du sol. Ça commence bien ! Je présente mes excuses à la radio avant de changer de fréquence. Nouvelle demande d’autorisation. Je suis numéro deux derrière un autre Cessna. Un Citation (gros jet) se pose, la tour nous dit de nous aligner (l’un derrière l’autre) et d’attendre 3 minutes que les turbulences de sillage du Citation se dissipent.

Le Cessna devant moi s’élance, j’attends la clearance du contrôle.

Ça y est, c’est à moi ! Gaz à fond, léger contrôle du palonnier… 60 noeuds, ça décolle… Petit coup de frein (pour éviter que les roues ne tournent en l’air), je garde le cap, vitesse de montée à 80 noeuds, passage des 300 pieds, dégagé des obstacles. Tout se passe comme prévu, y’a plus qu’à attendre les 500 pieds pour virer à gauche.

– « Yankee-Alpha, vous pouvez virer dès que possible ? Merci ! »

– « Yankee-Alpha, je vire de suite ».

Ben ça y est, déjà du changement. Je tourne au-dessus des derniers immeubles, continuant à monter. Dans la vent arrière j’appelle la tour, qui me demande de rappeler en base. Je contrôle ma vitesse, on est à 1000 pieds, la séquence classique débute : mise en palier, réchauffage carbu, baisse du régime, sortie des volets à 10°… Je cherche du regard le parking qui sert de repère d’habitude, ce que je fais plus tard d’ordinaire. Mais bon, s’agit pas de compter sur mon passager pour me prévenir si je dépasse !

Le parking au-dessus duquel je vire en base

Le parking au-dessus duquel je vire en base

Je tourne en base, m’aligne en finale.

– « Yankee-Alpha, autorisé à poser piste 17 » m’annonce la tour.

Zut ! J’ai oublié de les appeler avant de tourner en base.

– « Yankee Alpha, j’ai pas appelé en base, désolé, je pose piste 17 ».

On se re-concentre. Les PAPI sont contents, deux blanches et deux rouges, le plan de descente est bon. 20° de volets, vitesse à 65-70 noeuds, la piste se rapproche. Survol de l’autoroute, ailes droites, contrôle du pied. Je survole le seuil de piste. On continue la descente, vitesse ok, le sol se rapproche. Arrondi, pas trop, faut pas re-décoller…La piste défile…Arrondir encore… Ça touche ! Gaz coupés, freinage, roulage jusqu’en sortie.

– « Yankee Alpha, piste dégagée, merci pour le coup de main »

–  » Pas de quoi yankee Alpha, repassez sur la fréquence sol »

Je roule jusqu’à l’essence. J’essaie de joindre Michel au tel, mais le voilà qui arrive. Il m’attendait plus loin. Je lui explique que je préférais m’arrêter pour lui dire que tout allait bien et temporiser un peu. Ben oui, c’était bien mais en même temps assez stressant. Pas au niveau pilotage, mais la peur de dire une énormité à la radio, d’oublier quelque chose… Mais bon, je peux respirer, ce premier vol s’est bien passé ! Je repars, Michel me prend en photo depuis le bord de piste.

2/ Second décollage

Point d’arrêt Alpha-Unité, derrière un gros bi-moteur. 10 minutes d’attente car les avions se posent non-stop. Il faut imaginer que le moteur tourne relativement vite (quasiment mi-régime à l’arrêt pour éviter que les bougies ne s’encrassent) et que je dois donc garder les pieds sur les deux freins en permanence (sans avoir les talons au sol) pendant tout ce temps, tout en écoutant les messages radio au cas où il faudrait bouger rapidement… Bref, ce genre d’attente est presque plus fatiguante que le vol lui-même ! Nous sommes 4 à attendre, je serai second à partir. Enfin, le bi-moteur s’aligne, puis décolle. Ça va être à moi…

10 minutes d'attente pieds sur les freins en attendant que de gros jets se posent...

10 minutes d'attente pieds sur les freins en attendant que de gros jets se posent...

– « Yankke-Alpha, vous avez visuel sur le Puma qui arrive ? »

– « Euh, négatif, j’ai des ailes hautes, je ne vois rien »

– « Ok, ne bougez pas, je vous rappelle ».

Une longue minute plus tard, je vois arriver un gros hélico de l’armée (le fameux Puma).

– « YA, j’ai visuel sur le Puma »

– « Ok, Yankee-Alpha, vous vous alignez après son passage et attendez 3 minutes pour les turbulences de sillage ».

Je collationne le message et m’exécute. Pendant ce temps, un instructeur se fait remonter les bretelles par le contrôle parce qu’il contestait le fait d’être 3eme :

– » Vous voyez le Cessna sur la piste, non ? Donc si je vous dit que vous êtes troisième, c’est qu’il y a deux avions devant ! » s’agace le contrôleur…

Bon, ça va, je dois pas être si tarte à la radio, finalement…

Décollage, montée jusqu’aux 500 pieds, virage à gauche au-dessus de la mer. Je suis dans la vent-arrière, j’appelle la tour. Vu le temps passé à attendre tout à l’heure, je demande un touché au lieu d’un complet. Accord. Je dois rappeler en base. Tous les paramètres sont bons, je cherche ce fichu parking (qu’on ne voit qu’au dernier moment). La tour me demande de confirmer un visuel sur un zinc en approche.

– « Y-A, je confirme visuel sur un Citation en finale »

– « C’est pas un Citation, mais un Piper 28, un monopropulseur à turbines »

Ah ? Parce qu’en plus d’avoir le visuel, je dois identifier les avions maintenant ? Je suppose que ça se voulait juste informatif… Bon, ça m’apprendra à dire au hasard, je parlerai d’avion blanc la prochaine fois… Sur ce, je suis invité à faire un circuit long le temps que ce fameux avion ne se pose. Passage au-dessus du quartier de La Roquette, le temps d’écouter un autre pilote s’embrouiller dans ses explications avec le contrôle. Faut dire que le gars est juste 1000 pieds trop haut, c’est à dire dans le couloir d’arrivée des jets ! Encore une fois, mes petites bévues à la radio ne sont pas si graves…

Finale, je suis sous le plan (tous les papi au rouge). Normal, puisque je suis plus loin. Je corrige en volant en palier… Concentré, j’oublie de rappeler la tour qui me contacte et m’autorise à toucher piste 17.

3/ Touché et tour des îles

Je suis au seuil de piste, un peu haut. Manche vers le bas, descente forcée, arrondi, ça touche. Un poil fort mais dans l’axe. Comme ce n’est qu’un touché, faut enchaîner immédiatement : Réchauffe carbu poussé, volets à zéro, gaz en grand, ça remonte… Décollage, radio :

– « Y-A, à 500 pieds, vole pour un tour des îles »

– « Compris Y-A, transpondeur 7756, rappelez nord des îles 1000 pieds ».

Je collationne et vole, seul.

Là, on prend – enfin – le temps de savourer le plaisir de voler… Seul, au dessus de l’eau bleue… 1000 pieds, un coup de trim, l’avion vole seul à vitesse de croisière (pas loin de 170 km/h). Je sors l’iPhone en farfouillant dans ma veste qui se trouve dans la soute, je prends quelques clichés, heureux comme un gosse…

Les îles de Lérins, à 1 000 pieds (300 m) du niveau de la mer...

Les îles de Lérins, à 1 000 pieds (300 m) du niveau de la mer...

Tour des îles, paysage splendide, mer calme et baie de Cannes au fond… Un peu d’histoire avec la citadelle où fut emprisonné le Masque de Fer… Les fonds sablonneux donnent des teintes turquoise façon lagon à la petite crique, un avant goût de Tahiti en Cessna ?

La citadelle ou aurait été enfermé le Masque de fer ? Légende ou pas, c'est joli vu d'ici...

La citadelle ou aurait été enfermé le Masque de fer ? Légende ou pas, c'est joli vu d'ici...

Comment ne pas se sentir bien, là-haut ?

Comment ne pas se sentir bien, là-haut ?

Retour vers Cannes, contact radio. La tour demande de rappeler au passage de la côte.

J’essaye de visualiser mon point d’entrée dans le circuit. Je vais passer au-dessus de ce bloc d’immeubles, là, ça a l’air bien… En fait, on est assez libre, à chacun de se débrouiller… Hi hi, c’est rigolo de pouvoir décider tout seul…

Je m’essuie les mains sur le jean, il fait chaud et je dois être un peu stressé tout de même, j’ai les mains moites. Bon, palier dans la vent-arrière, paramètres ok, on vire en base au-dessus du parking, finale…

Le vent s’est levé, difficile de garder l’axe. Pas question de paniquer, on l’a déjà fait… Ailes le plus droit possible, un peu de pied, on joue sur les gaz, un coup plus, un coup moins, je suis au-dessus du seuil de piste.

L’avion bouge toujours un peu, j’arrondis… toucher super doux… Waow ! Trop bon comme sensation !

Roulage, je remercie la tour, j’amène YA au parking 6.

4/ Retour sur terre…

Arrêt moteur, sanglage de l’avion. Je quitte la piste, non sans négocier avec la sécurité qui, en l’absence de Michel, aurait tendance à ne pas m’ouvrir le portail.

Retour au bureau, où Michel m’accueille tout sourire. Il est avec une autre stagiaire, très intéressée de savoir comment s’est déroulé ce premier vol. On discute un moment. Michel me fera le CD de photos et les papiers de ce premier solo la prochaine fois.

Il ne me reste plus qu’à rentrer à la maison raconter tout ça à Caro… et aux lecteurs de ODVole !

Le chemin est encore long pour pouvoir atteindre le brevet (20 atterrissages à effectuer en solo, un examen théorique* et un autre en vol), mais le pas déjà accompli est énorme. Merci à tous ceux qui ont rendu ce rêve possible !

* Examen Théorique : il a lieu une fois tous les deux mois. Le prochain a lieu le 19 mai ! Ça retarde d’autant le passage du brevet… Mais j’aurai le temps de réviser. Les heures que je ferai entre-temps serviront soit à m’avancer pour avoir le minima en vue d’emporter des passagers, soit pour débuter la formation PPL en avance…

6 commentaires sur “Vol #12 : 10ème heure… EN SOLO !”

    Iva
    mars 20th, 2010 at 1:31

    BRAVO !
    Quand tu parlais de solo, je m’attendais à ce que tu fasses tout, tous seul, mais je pensais quand même que l’instructeur serait avec toi, au cas où !
    Mais là, chapeau…
    Quand je pense à la première fois où j’ai conduit seule (et ce n’était qu’une voiture !!!)…

    Manu
    mars 20th, 2010 at 10:15

    Waou!
    Chapeau. Seul déjà aux commandes…. je ne pensai pas que cela arriverai aussitôt et surtout réellement seul. Cela doit être enivrant! Toucher d’aussi près les nuages, mon rêve d’enfant…
    Examen théorique le 19 mai, c’est une bonne date… pas de souci tu l’auras (avis d’une amie qui te veut du bien et qui a des liens très particuliers avec le 19 mai)

    marc
    mars 20th, 2010 at 11:02

    Mais t’avais même pas un peu peur quand même ???? Plus d’instructeur, plus de garde fou, plus droit à l’erreur !!! Bravo…

    denise faure
    mars 21st, 2010 at 4:32

    Déjà seul à bord.Bravo.Ces nouvelles sensations de vie doivent être extraordinaires.Merci pour ce partage.Comme toujours je suis fière de mon adorable filleul.Affection Denise

    Anne
    mars 21st, 2010 at 11:03

    Ebé…

    Laurent
    avril 20th, 2010 at 10:15

    Bravo, super, avec un peu de retard…
    contrairement à Yva, moi, ça me rappelle la première fois que j’ai pris mon vélo tout seul..!

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